Imaginez un ordinateur muni d’une webcam devant lequel une personne s’exprime en langue des signes. A des kilomètres de là, ces signes sont interprétés et traduits en mots pour un professeur qui peut ainsi répondre à cette personne ou lui donner un cours qui sera traduit en sens inverse. Imaginez un cours, dicté par un professeur et tapé sur un clavier braille par les étudiants et ensuite également imprimé en braille …Avec ce type de solution, les TICE sont par exemple mises à la disposition des personnes sourdes ou aveugles.
« La portée ultime de l’âge des réseaux est de permettre à tous les individus d’utiliser et de contribuer au savoir collectif et universel. Et le grand défi de ce siècle est de s’assurer que tous les êtres humains ont bien accès à ce savoir et pas uniquement quelques chanceux. » (Programme des Nations Unies pour le développement – Rapport sur le développement humain 2001.)
Des femmes et des hommes prennent la recommandation du PNUD à cœur. Leur ambition : permettre à ceux qui sont marginalisés par leur handicap, d’avoir accès aux nouvelles technologies et de se les approprier. Une session de eLearning Africa sera consacrée à ce thème, nous avons demandé à deux des intervenants de cette session de nous parler de ce qui les a conduit à s’investir dans les domaines de recherche et d’application liés aux personnes handicapées et les résultats attendus. Paul Hector et Wanjohi Kaburuku ont répondu à nos questions.
Selon Paul Hector, Conseiller en Communication et en Information pour l’Unesco en Ethiopie, il y a un peu d’égoïsme dans ses motivations. « Un jour, moi aussi je serai handicapé… ou tout au moins diminué car en vieillissant on perd ses facultés. Alors d’une certaine façon je travaille aussi pour mon avenir » avoue t-il. Cette sincérité cache une bonne dose d’humanité et une sensibilité particulière au sort des personnes handicapées. Dans ce cas, il s’agit de personnes aveugles ou mal voyantes : Paul Hector pilote des projets sous l’égide de l’Unesco en Ethiopie afin de développer applications et formations à destination des handicapés visuels. Les solutions mises en place font appel à l’écriture braille et à la synthèse vocale. « L’accès aux TIC est devenu un droit humain fondamental, si nous laissons les handicapés sur le bord du chemin, nous trahissons nos engagements. » complète Mr Hector.
Wanjohi Kaburuku est au Kenya et il travaille pour le Centre Modèle pour l’éducation et la formation des sourds. Pour lui aussi, ce qui est inacceptable c’est la marginalisation des personnes handicapées et particulièrement des sourds. « Souvent en Afrique, dit-il, les sourds sont laissés pour compte et beaucoup ne savent ni lire, ni écrire. » Alors que les technologies de la communication peuvent relier les hommes du monde entier, Mr Kabukuru déplore l’état d’isolement dans lequel les sourds peuvent être plongés s’ils n’ont aucun outil pour accéder à ces technologies. Selon lui, une grande partie de la solution passe par le langage des signes et l’enjeu est d’intégrer ce langage au cœur de YOUTUBE pour commencer. Pour Mr Kaburuku, cet outil communautaire, tout comme les bloggs doivent permettre à tous de s’exprimer et d’écouter la rumeur du monde.
Dans les deux cas, les équipes de travail sont mixtes, entre personnes handicapées et valides ; une façon très pertinente de créer des ponts entre les univers. Paul Hector parle avec émotion de la richesse des échanges engagés. Et il ajoute : « Dès que les aveugles s’approprient les technologies, c’est souvent une vraie révélation pour eux et cela leur ouvre des perspectives insoupçonnées , cela décuple leur créativité. » Là où les TIC pourraient être un frein , elles deviennent un accélérateur d’ingéniosité. Wanjohi Kaburuku partage ce point de vue : les TIC , lorsqu’elles sont accessibles aux personnes sourdes, agissent comme des révélateurs. Et selon nos deux interlocuteurs, la portée des avancées réalisées bénéficie à une communauté plus large que celle des handicapés uniquement.
Dans les deux cas également, l’ambition est de créer une plateforme de formation où se mèlent professeurs et étudiants valides ou non, et où la communication est possible entre tous. Ce qui suppose que les personnes valides s’approprient par exemple le langage des signes, que chacun fasse un pas vers l’autre.
Parallèlement aux recherches sur les applications, les équipes de Wanjohi Kaburuku et de Paul Hector mènent aussi des études plus globales dans leurs pays respectifs, pour savoir d’une part comment accéder aux personnes handicapées afin de les sortir de leur isolement et les secondes pour proposer des modèles de développement qui impliquent les différents acteurs de la société. Pendant e-Learning Africa, ils présenteront ces projets et ces réalisations. Laila Belhadj , de l’Université IBN TOFAIL au Maroc, participera également à la session pour parler des modules de formation pour les handicapés qu’elle a développés.
note:Le pourcentage de personnes handicapées en Afrique est estimé entre 10 et 12% de la population totale. Un grand nombre d’entre eux sont des victimes de conflits ou de la carence en soins. A l’issue de l’atelier régional UIT sur l’accessibilité des TIC aux personnes handicapées dans la région Afrique, en Juillet 2008, une déclaration a été rédigée, qui formule plusieurs conclusions et recommandations à l’invite des gouvernements, secteur privé et autres institutions. Les Ministères de l‘éducation nationale des pays africains sont par exemple appelés à établir des programmes d’enseignement spéciaux, faisant appel aux technologies de l’information et de la communication à l’intention des étudiants handicapés. Les autorités de régulation ont pou leur part la mission de mettre en œuvre des politiques de communications spéciales pour les personnes handicapées, compatibles avec leurs ressources etc.
Source: eLearning Africa